C’est lors de l’évènement organisé par l’Association Les Petits Colibris pour célébrer la Journée de la Femme qu’Anita Germond repère Suzie Ivoula. C’est jeune maman célibataire est aussi l’une des femmes qui travaillait sur le chantier de la NRL. Anita l’invitera ensuite à partager son expérience au sein de la fédération réunionnaise du bâtiment, COBATY. Elle y voit une femme courageuse et exemplaire. Découvrez son portrait.
Suzie, parlez-nous de votre parcours
J’ai obtenu un CAP productique-mécanique option décolletage au Lycée Amiral Lacaze. J’ai eu la chance d’avoir un professeur exceptionnel, M. Martin, qui m’a transmis sa passion et son perfectionnisme. J’ai donc voulu poursuivre avec un Bac pro mais ce cursus n’existait pas à la Réunion à ce moment-là. Il a fallu que je parte 3 ans à Abbeville, en Picardie. Malheureusement, j’ai raté mon diplôme de 0,5 pts… Juste après je suis revenue à la Réunion.
Comment s’est passé votre retour ?
En rentrant, forte de mon expérience métropolitaine, j’ai pu faire ce que je rêvais de faire. Au départ, je suis rentrée avec l’objectif d’aider ma mère mais rapidement, j’ai voulu travailler. J’ai toujours adoré bricoler et j’ai voulu suivre le chemin de mon père. Il travaillait dans le bâtiment et c’est avec beaucoup de bienveillance qu’il m’a averti sur la rudesse de ce secteur. Malgré tout, j’ai persisté et j’ai commencé à enchainer des missions en intérim, comme manœuvre en bâtiment pour la SOGEA.
Peu de temps après, la SBTPC, les réseaux Pôle Emploi et les organismes de formation et de réinsertion (AFPAR, Axion Insertion) montaient une formation en alternance pour intégrer plus de femmes dans le secteur du bâtiment. Je faisais partie des 15 femmes sélectionnées et j’ai obtenu mon diplôme de coffreuse. J’ai alors pu enchaîner les missions sur des chantiers de la SBTPC mais aussi de la GTOI.
J’ai travaillé 3 ans dans le gros œuvre puis je suis devenue maman d’un adorable petit garçon, Liyam. Dans le souci de concilier au mieux ma vie de famille et ma vie professionnelle, je ne pouvais plus passer autant de temps sur les chantiers. Je me suis donc formée à nouveau pour devenir plaquiste et arrêter les missions de gros-œuvre. En fait, j’aime apprendre et gagner en polyvalence, c’est d’ailleurs ce qui m’a permis d’intégrer le chantier de la Nouvelle Route du Littoral.
Parlez-nous de votre expérience sur la NRL
J’ai commencé à y travailler en tant que coffreur-nacelliste intérimaire. J’ai ensuite été embauchée et j’ai travaillé sur la pose des piles de ce chantier titanesque ! J’étais embarquée sur la barge Le Zourite. J’ai fait ça pendant un an, ensuite, j’ai eu un problème au genou et je n’avais plus la possibilité d’exercer mon métier en mer. On m’a alors proposé de faire partie des « équipes à terre » et d’être en charge de la préparation des piles et la rénovation des matériaux pour les envoyer en mer sur Le Zourite. C’est ce que j’ai fait pendant 2 ans, jusqu’au 31 avril dernier. Date à laquelle Le Zourite a été libérée, avec la fierté du devoir accompli ! Je garde vraiment un excellent souvenir de ce chantier, l’ambiance était excellente, il y avait beaucoup de solidarité entre les équipes !
Ça me rappelle un proverbe jamaïcain : « Practice what you preach » (ndlr : Mettez en pratique ce que vous préconisez).
La question peut sembler nourrir un « cliché » mais comment avez-vous été acceptée dans ce milieu d’hommes ?
Tout s’est très bien passé ! J’ai eu des chefs justes et très professionnels. Lorsque certaines tâches demandaient trop de force, elles étaient attribuées en toute logique aux hommes. En revanche, j’effectuai toutes mes autres tâches, comme les autres. En fait, je n’ai jamais été privilégiée même s’il y a eu des adaptations. Des sanitaires étaient aménagés pour les femmes par exemple. Mes collègues aussi m’ont bien acceptée et ce, sur tous les chantiers. Le monde du bâtiment est un monde que j’adore.
Cerise sur le gâteau, mon fils est extrêmement fier de moi du haut de ses 5 ans. A chaque fois qu’il voit un blouson orange il dit : « ça c’est le blouson de maman ! » (rires). Ça compte énormément pour moi ! J’ai besoin d’être un exemple pour lui, il est ma force, ma motivation à aller de l’avant chaque jour.
D’ailleurs je veux dire que si j’ai pu faire ce parcours jusqu’à aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à mon entourage qui s’est relayé pour garder mon fils. Que ce soit ma famille, mes amis ou mon ancien compagnon Frédéric, je leur suis extrêmement reconnaissante !
Quels sont vos projets, maintenant que vous avez terminé le chantier de la NRL ?
Comme je l’ai dit, j’ai toujours besoin d’avancer. J’ai donc passé mon permis Poids Lourd en mai et je débute la formation Super PL à St André. Je vous annonce que j’entame ma reconversion. D’ici le mois d’octobre au plus tard, je serai à nouveau sur le marché de l’emploi en tant que Chauffeur et, idéalement, je souhaite travailler en lien avec le secteur du bâtiment. L’avenir nous le dira !
Votre abnégation est remarquable, quel message souhaitez-vous passer aux jeunes réunionnais ?
Je souhaite leur dire qu’il ne faut jamais baisser les bras et toujours garder la tête haute. A force de courage, de volonté et de travail, vous arriverez à votre but !
Aujourd’hui, il existe de nombreuses aides pour vous permettre de faire ce que vous voulez professionnellement. Renseignez-vous et prenez les devants, n’attendez pas que tout arrive à vos pieds !