Nous sommes en février 2011, à Paris oú se déroulent les 41è Olympiades des Métiers. Malgré le froid à l’extérieur, le Palais des Sports est réchauffé par une salle comble. L’ambiance monte encore d’un cran lorsque l’animatrice de la cérémonie de clôture, Karine Ferri, annonce les résultats de la catégorie « Service en salle ». Explosion de joie dans le camp réunionnais, Marie Montée obtient une magnifique médaille d’argent et un sésame pour la grande finale internationale qui se déroulera à Londres. Pour sa première participation, La Réunion surprend et casse les clichés. La qualité péi lé là !
Sept années sont passées et Marie Montée nous explique son « après Olympiades des métiers » avec beaucoup d’humilité et de lucidité.
Marie, comment décririez-vous cette expérience Olympiades des métiers ?
Sans hésitation, je vais dire « inattendue » ! C’était une opportunité incroyable que je n’ai pas vu arriver. A ce moment-là, je ne pouvais pas mesurer l’impact que cette expérience aurait dans ma vie. Ce sont des évènements et des rencontres incroyables, marquantes, inoubliables.
J’ai aussi pu découvrir qui j’étais en repoussant mes limites. J’ai compris que je valais plus que ce que je pensais valoir. J’avais cette impression, malheureusement trop ancrée dans l’esprit réunionnais, que j’étais moins compétente, moins ci, moins ça… bref, je nourrissais une sorte de complexe d’infériorité.
L’expérience Olympiades des métiers m’a ouverte à une autre réalité.
Je me souviens aussi d’une succession d’émotions toutes plus fortes les unes que les autres : la surprise et la joie de gagner le concours régional, les peurs de me confronter à ce qui se fait de mieux au niveau national, le dépassement de soi physique et psychologique que notre coach Nicolas Cesari nous imposait tout au long de la préparation, sa faculté à nous faire prendre conscience de notre potentiel aussi, et ça s’est révélé payant.
Il y a eu aussi, les trois jours d’épreuves avec son lot d’aléas qu’il fallait gérer sur le moment, il fallait être solide mentalement pour ne pas céder sous la pression. Il y a eu cette interview télévisée donnée à France Ô et la joie immense de cette médaille d’argent ! Ensuite il y a eu le stage avec l’équipe de France car j’étais suppléante de la médaillée d’or. Je m’arrête là car la liste est longue ! En résumé, cette expérience m’a montré que ma vie avait un champ des possibles bien plus vaste que ce que je pouvais imaginer.
Quelles ont été les conséquences de votre médaille d’argent à un concours si prestigieux ?
Elles ont été d’ordre personnel déjà car il a fallu que je me libère du temps pour participer aux entraînements préparatoires pour le concours international à Londres. Ça se déroulait à Marseille et il fallait jongler entre le boulot et la famille. Je me suis mise à la totale disposition de l’équipe de France, ça faisait partie du jeu.
Ensuite, professionnellement, certains restaurants étoilés en métropole m’ont fait des propositions dans le cadre d’une formation « Assistant Maître d’hôtel », mon ancien lieu de stage également voulait que je fasse cette formation chez eux, à Paris. Les opportunités étaient nombreuses et tentantes.
Mais j’avais 20 ans et je voulais rester proche de ma famille alors j’ai décidé de rester à La Réunion.
Je me sentais aussi reconnaissante envers mon employeur, la Servair, qui croyait en moi depuis le début, qui avait investi du temps et de l’argent. Je ne me voyais pas les quitter, c’était un juste retour des choses de rester fidèle à ceux qui m’avaient aidé à vivre cette aventure. Je reste très reconnaissante envers M. Laurent Dijoux et M. Vincent Taochy.
Et puis… secrètement, je voulais participer à nouveau aux Olympiades des métiers et gagner la finale nationale !
Malheureusement vous n’avez pas pu participer à l’édition suivante, que s’est-il passé ?
En fait, à la date du concours national, je dépassais de 3 mois la limité d’âge fixée à 21 ans. Avec le recul, c’était un mal pour un bien. J’étais effectivement déçue mais une opportunité s’est présentée à moi. On m’a proposé de devenir capitaine de la délégation réunionnaise. Je ne pouvais pas participer aux épreuves mais je pouvais apporter mon expérience tout au long des 6 mois de préparation. J’étais un peu la grande sœur de chaque membre de la délégation réunionnaise. Je faisais le lien entre le staff d’encadrement et les membres de l’équipe. J’ai pris mon rôle très à cœur et je me suis découvert une véritable passion pour la transmission des savoirs, la pédagogie aussi car il fallait s’adapter à chaque type de personnalité. Une nouvelle fois, j’ai appris énormément sur moi, sur ce que je pouvais faire et surtout sur ce que je voulais faire de ma vie.
Vous êtes donc devenue formatrice ?
Oui mais le parcours était long et j’ai aussi connu une grande désillusion. Un peu après cette deuxième édition des Olympiades des métiers, je me suis lancé un nouveau défi et j’ai intégré le RSMA-R pour partager ma passion. Cette expérience de formatrice n’a pas été concluante et je me suis rendu compte de mes lacunes en terme de pédagogie et de prise de recul sur certaines situations. Je manquais de maturité finalement. Je pense que toute épreuve arrive pour nous apprendre quelque chose. J’avais donc une certitude : partager mon savoir au travers de la formation était ce que je voulais faire. J’ai donc redoublé de travail pour combler mes lacunes.
J’ai intégré la FPA, j’étais la plus jeune et malgré tout j’ai eu de bons résultats. Ça a été un nouveau déclic dans mon évolution, dans la confiance que je pouvais avoir en moi.
Aujourd’hui, je suis fière de travailler dans le centre de formation Endemia à St André. J’exerce la fonction de Responsable de formation mais j’ai ce besoin d’être au plus proche du terrain alors je suis également formatrice dans le secteur « Restauration et hygiène alimentaire » et je m’éclate dans mon travail.
Avec ces 7 années de recul, vous diriez que cette expérience « Olympiades des métiers » vous a apporté quoi ?
Ça m’a permis de vivre des expériences humaines incroyables, de ressentir des émotions fortes, d’aller au-delà de ce que je pensais être mes limites. Ça m’a permis de « casser » ce complexe d’infériorité qui freine tant de jeunes réunionnais, de découvrir qui j’étais réellement et du potentiel que j’avais en moi.
Ça m’a permis de vivre une vie riche, sans limites, sans freins ; de vivre mes rêves et non de rêver ma vie. En bref, cette expérience m’a mis sur le chemin de mon propre épanouissement.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes réunionnais ?
Je leur dis de ne plus avoir peur de se lancer, de saisir toutes les opportunités qui leur permettront d’évoluer personnellement et professionnellement. Et si un échec survient, je vous invite à le voir comme l’opportunité d’apprendre quelque chose de nouveau pour être encore meilleur et transformer la frustration de l’échec en motivation pour avancer encore et toujours. Je trouve que dans la Société actuelle, on perd cette envie de gagner et on baisse les bras facilement. On tend vers la facilité, on abandonne. Je dis à la jeunesse réunionnaise que nous avons des qualités et du potentiel, que nous n’avons pas à rougir d’être réunionnais et qu’avec de la volonté et du travail, tout est possible !
Merci, Marie, pour ces paroles pleines d’espoir pour la jeunesse réunionnaise. Souhaitez-vous rajouter quelque chose ?
Toute aventure occasionne des rencontres et des situations. C’est bien plus tard et en prenant de la hauteur que tout se met en place, tels les pièces d’un puzzle. On se rend compte que tout a un sens, que rien n’est arrivé par hasard. Alors puisque rien n’arrive accidentellement, il faut profiter de chaque moment car ce que l’on vit au présent construit notre futur et le Bonheur qui va avec. Je tiens d’ailleurs à remercier mes parents, je ne le fais pas assez et pourtant, ils contribuent à ce fameux Bonheur.